Ma vision de la Culture du Jeu Vidéo

On entend de plus en plus parler de culture du jeu vidéo mais c’est quoi exactement ? J’ai voulu partager avec vous quelques unes de mes réflexions sur un sujet qui me tient beaucoup à coeur et que j’essaye d’approfondir et de partager régulièrement sur ce site. Cette culture, dont certains ne soupçonnent probablement pas l’existence, prend une place de plus en plus importante dans notre culture générale pour nous, trentenaires, qui avons connu les débuts du jeu vidéo et son développement constant au fil des années. Essayons de l’analyser ensemble…

LES ORIGINES

Nous avons tous une expérience différente de notre rapport au jeu vidéo. Pour certains, cela s’est fait dès le plus jeune âge, aidés par des parents à l’écoute des envies de leur enfant. Pour d’autres, cela a été plus tardif, soit pour des raisons financières (les consoles et les jeux coutaient très cher à l’époque), soit pour des raisons plus philosophiques (certains parents ne souhaitant pas que leurs enfants « s’abrutissent » devant des jeux vidéo). Mais au final, le résultat est là. La culture du jeu vidéo entre depuis quelques années dans l’âge de la maturité voire même dans l’âge adulte pour certains.

En effet, nous fêtons ces dernières années des anniversaires un peu particuliers où les consoles célèbrent leurs 20 ou 30 ans. Preuve en est la Nintendo 64 qui a fêté ses 20 ans il y a quelques jours, une console qui a marqué son temps par des jeux mythiques tels que Goldeneye, Super Mario 64 ou encore 2 jeux Zelda avec Ocarina of Time et Majora’s Mask.

Castlevania: Symphony of the Night

Ces jeux aujourd’hui considérés comme des piliers de la culture jeu vidéo sont encore aujourd’hui étudiés et analysés par certains spécialistes, et vénérés par une frange des joueurs qui ont souvenir d’émotions intenses à la découverte de ces univers certes parfois limités techniquement par un support cartouche déjà dépassé à l’époque mais qui ont su nous marquer par des histoires ou un gameplay novateur pour l’époque.

Les jeux ne sont pas non plus en reste puisque certains fêtent également leur anniversaire. Le dernier en date est Castlevania: Symphony of the Night, sorti sur Playstation il y a maintenant 20 ans. Ce jeu a su redéfinir une franchise qui se voulait assez linéaire en adoptant une progression à la Metroid, où l’on obtient de nouvelles compétences pour progresser plus avant dans un château aux multiples facettes. Il est devenu une référence pour les fans et même le meilleur Castlevania à ce jour pour certains, inspirant de nombreux autres jeux par la suite. Je vous invite à aller lire la fiche que j’ai consacré au jeu pour en savoir plus.

 

ENFIN LA MATURITE ?

Cette maturité, ce passage à l’âge adulte, constituent ce que l’on peut appeler la culture du jeu vidéo. Comme d’autres avant elle, cette dernière doit lutter contre des préjugés et un certain dédain de ces mêmes personnes qui, en leur temps, ont du se battre pour faire accepter qu’il existait une culture cinématographique, parfois même une culture de genre. J’en veux pour preuve certains types de cinéma qui ont été longtemps dénigrés tels que les films d’horreur ou encore les films d’action.

Marvel Cinematic Universe

Marvel Cinematic Universe

Ce n’est que lorsque certains aficionados ont grandi pour devenir réalisateurs, scénaristes ou producteurs que ces genres ont pu trouver la place qu’ils méritaient, avec des budgets plus conséquents et une communication plus respectueuse de l’oeuvre originale. Des films tels que la trilogie Matrix, créés par des geeks pour les geeks mais sans exclure pour autant le grand public, ont permis à certains genres d’être beaucoup plus respectés. Le Marvel Cinematic Universe (autrement appelé MCU) qui déferle dans nos salles depuis 10 ans n’auraient pas pu voir le jour sans des passionnés de comics ayant grandi pour devenir des personnes influentes dans le milieu du cinéma.

Matrix

Matrix

Le jeu vidéo n’est pas différent du cinéma à cet égard. Même si cela semble plus difficile pour ancrer cette culture dans notre vie quotidienne et dans le respect qu’ont les médias de cette dernière, on peut constater depuis quelques temps que c’est un secteur qui rapporte. On peut notamment citer le fait que le chiffre d’affaires du jeu vidéo représente plus que celui du cinéma désormais, et bien que cela n’en fasse pas pour autant un élément respectable de notre vie quotidienne, cela l’aide à asseoir sa respectabilité aux yeux de certains.

A LA RECHERCHE DE RECONNAISSANCE

Mais ce qui peut aider le plus le jeu vidéo dans cette quête de reconnaissance, c’est surtout la qualité des histoires que l’on peut littéralement vivre devant notre écran. J’en veux pour preuve certains titres encensés pour leurs qualités scénaristiques tels que The Last of Us, Uncharted 4, Lost Odyssey ou encore Final Fantasy VI.

Tous ces jeux, et bien d’autres, sont désormais analysés, décortiqués et « philosophés » aussi bien dans des podcasts, sur de nombreux sites internet ou encore dans une littérature de genre grandissante, particulièrement en France. On ne compte plus les nombreux titres littéraires qui sortent chaque mois, et qui reviennent soit sur un genre de jeu (RPG, FPS, etc.), soit sur un titre en particulier. En effet, qui aurait pu imaginer il y a encore quelques années que l’on pourrait lire un ouvrage de 200 pages revenant sur le genèse et l’univers d’un Final Fantasy VIII ou de la série Half Life ? C’est désormais possible et pour la simple raison que les auteurs sont des joueurs qui ont grandi avec ces oeuvres et peuvent désormais partager leurs réflexions au plus grand nombre. Et ça marche puisque ces livres se vendent bien et en engendrent d’autres. On peut même lire des oeuvres biographiques sur certains des plus grands créateurs de jeu vidéo, découvrir leur parcours et les coulisses de la création des plus grands jeux vidéo.

C’est pour moi la plus grande preuve de maturité et de légitimité pour un média: pouvoir revenir sur son passé et l’analyser avec le poids des années et le recul nécessaire pour en découvrir les influences qui en ont découlé.

UNE PORTEE PHILOSOPHIQUE ET CULTURELLE

Même si cette culture du jeu vidéo est parfois utilisée à des fins commerciales, comme on peut également le voir de plus en plus dans les médias et les salons spécialisés, il faut savoir prendre le meilleur et laisser de côté le mauvais, ne pas se laisser berner par les ambitions mercantiles de certains et vivre sa passion comme on l’entend.

Je joue moins qu’avant, il est vrai. J’ai beaucoup plus de difficultés à « éponger » un jeu comme j’ai pu le faire par le passé, soit pour des questions de temps, soit parce que j’ai beaucoup plus de mal à me passionner pour un jeu. Cela arrive encore, certes, mais moins souvent.

Horizon: Zero Dawn

Dernièrement, j’ai longuement joué à Final Fantasy XV, jeu hautement décrié pour ses défauts tant scénaristiques que ludiques. Néanmoins, je me suis fait happer par le jeu (dans sa première partie, du moins) et j’y ai passé de nombreuses heures sans occulter pour autant les nombreux défauts.

Horizon Zero Dawn m’a également beaucoup captivé, avec une technique impressionnante et un gameplay riche, sans oublier un scénario qui sort un peu des sentiers battus et procure des émotions et une réflexion sur notre évolution technologique.

Final Fantasy XV

L’on commence déjà à voir fleurir des analyses un peu plus poussées sur le cas Final Fantasy XV, et si le jeu a de nombreux défauts, il est passionnant de découvrir la gestation chaotique du titre et les répercussions que cela a pu avoir sur le scénario et le rendu final. C’est ce type d’analyse qui fait que la culture jeu vidéo est une culture passionnante. Au même titre que le cinéma ou la littérature, cela nous permet de confronter les émotions ressenties lors de notre expérience avec celle d’autres joueurs, d’autres auteurs, et parfois de redécouvrir certains aspects que l’on n’aurait pas forcément capté lors de notre partie.

J’en veux pour preuve certains grands RPG comme Xenogears ou Chrono Trigger, ou encore la série Metal Gear Solid, auxquels j’ai pu jouer étant plus jeune mais dans lesquels je n’avais pas vu toute la portée philosophique du scénario avant de lire certaines analyses. On découvre alors toute la richesse de cette culture, qui va prendre pour référence certains grands auteurs comme William Shakespeare ou des philosophes réputés, et l’intégrer dans un objet vidéo ludique.

MON RETROGAMING

Street Fighter II

C’est pourquoi je vois dans le retrogaming autre chose que ce que l’on peut le laisser transparaître. Certes, jouer à de vieux jeux sur de vieilles consoles peut ramener des souvenirs d’enfance qu’on aimerait revivre. Rejouer à un vieux jeu de combat tel que Street Fighter II sur Super Nintendo avec un ami ravive cette flamme qui a pu diminuer avec le temps. Rejouer à un jeu de plateforme de l’époque tel que Super Mario Bros 3 nous ramène à ces mercredis après midi passés à se passer la manette avec son copain d’enfance pour avancer toujours plus loin dans le jeu et en voir la fin (souvent décevante, par ailleurs). A l’époque déjà, on pouvait dire que ce qui comptait, ce n’était pas l’arrivée mais le voyage qui nous y avait amené.

Certains vont utiliser cette fibre nostalgique pour essayer de nous revendre de vieux souvenirs à prix d’or. Je pense notamment à Nintendo qui ressort une NES mini à faible exemplaire certes, mais contenant des ROMs de vieux jeux trouvables par ailleurs grâce à l’émulation ou la Virtual Console.

Mais je pense aussi à tous ces gens qui écument les vide grenier avant même le lever du jour afin de trouver la perle rare qui leur permettra de se faire un bon pécule sur internet à la revente.

Je ne suis pas de ceux là. Je respecte les vrais collectionneurs, dont on peut voir la collection sur de nombreux reportages YouTube mais je n’ai ni le temps, ni les moyens de constituer une vraie collection. Et, à vrai dire, je n’en ai pas spécialement l’envie non plus. Je n’ai pas forcément besoin de l’objet d’époque pour me remémorer certains souvenirs. Je n’ai pas non plus forcément envie de rallumer une vieille console pour revivre des émotions. Par contre, je suis friand de livres et de podcasts analytiques. C’est ainsi que je vis ma passion pour le rétrogaming. C’est beaucoup moins cher et tout aussi enrichissant.

C’est notamment pour cela que je vais à très peu de salons consacrés au retrogaming. Je n’ai pas besoin de voir une NES ou une Neo Geo en vrai et faisant tourner un jeu mythique sur un vieil écran cathodique pour ressentir ce que j’ai vécu à l’époque. Je dirai même que ces salons ont plutôt un effet inverse chez moi.

En effet, j’ai été récemment à un salon consacré au retrogaming et j’ai été plutôt attristé de voir que le lieu était beaucoup trop petit pour faire honneur à ces machines. Il était difficile de circuler dans les « allées » et la moitié des stands avait pour but non pas de faire découvrir de vieux jeux mais plutôt de vous en vendre accompagnés de goodies et autres t-shirts (stand tenu par une personne qui n’a pas du voir beaucoup de jeux vidéo dans sa vie).

Je ne doute pas que certains exposants sont de vrais passionnés, et je ne nie pas l’intérêt de telles manifestations pour faire découvrir certaines oeuvres aux plus jeunes, ou pour remémorer des souvenirs à certaines personnes qui auraient simplement « lâché » le jeu vidéo en vieillissant. Je ne suis juste pas sur que ce soit le genre d’événement auquel j’ai envie de participer, ou alors à une échelle plus importante et avec la visite de vraies personnalités afin de pouvoir les écouter parler de mon média préféré.

ALORS, AU FINAL ?

Je suis un nostalgique, et je suis ravi de voir que cette culture jeu vidéo arrive enfin à maturité et que l’on puisse plus facilement se cultiver sur le sujet, aussi bien à l’écrit qu’à l’audio ou en vidéo. C’est ainsi que j’aime cultiver cette passion, en prenant mon temps et en ayant le sentiment d’appartenir à une génération qui aura eu la chance de vivre cette évolution progressivement, en revivant certains souvenirs d’enfance avec mon recul d’adulte.

J’aimerais que l’on ne souille pas cette culture avec des ambitions bassement mercantiles, mais comme le cinéma, il faut aussi savoir vivre avec cet aspect de notre société commerciale, savoir faire la part des choses, ne pas se laisser berner par certaines personnes qui souhaitent simplement profiter de cet engouement et encourager ceux qui veulent sincèrement partager leur passion. Il y en a encore beaucoup, ils ont votre âge et vous les repérerez assez rapidement car la passion ne se force pas, ne s’apprend pas, on la vit et on la fait ressentir à d’autres sans se forcer.

Sur ce, je vous laisse, j’ai une encyclopédie sur Zelda à finir de lire…

De nombreux ouvrages consacrés au jeu vidéo sont disponibles chez Third EditionsPix n’ Love ou encore Omake Books.

Des podcasts passionnants comme par exemple La Caz Rétro, MO5.com, Des Bits et des Pixels pour le retrogaming. Mais également de la philosophie dans le jeu vidéo avec Ludographie Comparée et Je Game Moi Non Plus. Enfin, des podcasts plus généralistes mais parfois aussi thématiques avec les podcasts de Gameblog, Gamekult, Gamerside, toutes les émissions de Radio Kawa, What The Duck, ZQSD, HautBasGaucheDroite, Le Rendez Vous Jeux ou encore les podcasts de Level MAX.

Crédit image d’illustration: © Army of Trolls